Tout feu tout flamme - LPO MONTMAJOUR
Un buffet « Tout feu tout flamme » !
Article de Christelle Fuger-Khamallah, 24 05 2024
Tout le monde s’accorde à dire que manger est l’un des actes les plus intimes qui soient, mais le sociologue, anthropologue et historien Claude Fischler a longuement creusé la question et a affirmé dans un article paru au journal Le Monde en juin 2020 que « manger est aussi un acte social, collectif » et que les études sur ce sujet, assez récentes somme toute, ont beaucoup à nous révéler. En effet, la question climatique et la durabilité des écosystèmes placent l’alimentation et tout ce qui s’y rapporte sous les feux de la rampe.
La naissance du projet
C’est autour d’une table, lors d’un repas raffiné, que l’artiste Pierre Corbet, fraîchement diplômé de l’école d’art Villa Arson à Nice et l’enseignant Eric Grandin, professeur de cuisine au lycée polyvalent Montmajour, est née l’idée d’un projet de buffet champêtre à monter avec les élèves de la classe de première année Bac Pro cuisine au sein de l’établissement scolaire. Comme une évidence, cette idée a germé dans l’esprit du professeur de cuisine lorsque l’artiste lui a présenté son portfolio. Il en a donc parlé à son collègue Bruno Bouedo, professeur de cuisine comme lui et à moi qui suis sa collègue professeure d’Arts-Appliqués et cultures artistiques. Nous avons aussitôt pressenti le potentiel pédagogique et éducatif d’une telle idée et c’est évidemment sur le thème des Jeux Olympiques que le travail commun a été conçu, faisant ainsi coïncider l’événement du buffet pour trente convives devant le jardin potager du lycée avec le passage de la flamme olympique dans la ville d’Arles. Monsieur Grandin et moi-même, -référents EDD- dans l’équipe de l’Education au Développement Durable avons adhéré aussitôt à la vision que l’artiste Pierre Corbet a de l’organisation et du déroulement d’un buffet à notre époque.
Il faut dire qu’il ne manque pas de créativité pour faire naître des objets d’art et de design de façon décarbonée, esthétique et fonctionnelle.
La démarche artistique
Pierre Corbet utilise des matières vivantes comme le chêne, le lin, le pin brûlé et bien d’autres feuilles et branches pour faire créer aux élèves des contenants et des présentoirs ingénieux selon la méthode du « JeuJura », c’est-à-dire par un assemblage sans colle ni vis des éléments taillés sur mesure. Les pièces travaillées s’emboîtent donc de sorte à faire tenir les mets, de l’entrée au dessert, que les convives viendront saisir avec gourmandise tout en aiguisant leur appétit. Sans s’en apercevoir, les cinq sens sont alors en éveil autour du buffet et c’est la convivialité qui règne à travers l’originalité fonctionnelle et la beauté esthétique de la présentation. Ainsi pour Pierre Corbet, toasts, menuiserie et architecture vont toujours de pair pour l’organisation d’un buffet.
La démarche pédagogique
Chaque enseignant impliqué a mené à bien sa part du projet durant trois jours. Les élèves ont d’abord imaginé, dessiné et réalisé les toasts, ils les ont agrémentés de dessins au grille-pain ou au chalumeau. Puis ils ont assemblé les pièces nécessaires aux présentoirs en réfléchissant à la meilleure architecture pour une mise en valeur réussie.
L’événement du 07 mai 2024 au lycée a donc pu se baser sur une belle coopération autour des symboles de l’Olympisme pour la création de dessins et de structures en bois :
• Les cinq anneaux de couleurs ;
• Les différents sports présents ;
• Les médailles et coupes ;
• Le stade ;
• Le trophée ;
• La ligne d’arrivée à la course avec les numéros ;
• La torche / flamme ;
• Le podium.
Les formes des mezzés ont été étudiées : cubes, prismes, cylindres, pavés, boule… tout ceci afin de pouvoir les empiler et les disposer sur les présentoirs mais aussi de les déguster facilement.
Les rouleaux de mousse de betterave ont été observées pour que leur verticalité sur un présentoir soit respectée, sans parler du décor des tables à accorder avec les couleurs des mets proposés.
Le bilan
Pierre Corbet a réussi son pari et les convives ont apprécié ce buffet.
Cet artiste questionne le monde de l’alimentation, il voyage à vélo en solitaire à travers l’Europe et tente de répondre à des interrogations cruciales qui sont si proches des préoccupations d’Eric Grandin et de ses collègues :
Comment le voyage peut-il influencer notre pratique créative ? Comment la cuisine et l’art
peuvent-ils être vecteur de partage, de transmission et d’inclusion sociale ?
Tous ces sujets sont au cœur des réflexions actuelles sur ce que les anthropologues appellent aujourd’hui les food studies qui conquièrent toutes les universités de la planète.
Dans cet esprit, cet événement fut pour nos élèves un moment inoubliable et une véritable ouverture offerte à l’aube d’un siècle qui se doit de remettre en question des pratiques carbonées tellement ancrées dans notre civilisation que la remise en question est très difficile et prendra du temps.
Mais… qui d’autre qu’un élève formé aujourd’hui pour transformer des pratiques trop nuisibles à notre environnement ?